“La passion est plus grande que la peur”
“moi, j'ai toujours voulu faire du dessin de base”
Lauraine a toujours dessiné et elle a toujours voulu en faire son métier. Peut-être portée par son héritage familial : ses parents se sont rencontrés en école d’art, son père est prof de photographie et sa mère d’art appliqué.
Certes, la pomme n’est pas tombée trop loin de l’arbre familial mais quand Lauraine veut intégrer le cursus Illustration de l’école Estienne, elle n’est pas prise et s’oriente le parcours Communication visuelle et graphisme.
Elle découvre qu’elle adore cette discipline qui lui permet de créer des images avec des concepts.
“il y a vraiment une stimulation intellectuelle que je trouve hyper sympa de simplifier les choses, simplifier les idées et les transformer en concepts visuels que les gens vont comprendre en un quart de seconde. Et ça, moi, ça m'excite énormément. J'adore faire ça.”
“après, la route, c'était simple, c'était devenir graphiste”
À partir de là, sa carrière est toute tracée : graphiste puis directrice artistique.
Elle se spécialise dans le monde la food où elle travaille sur des identités de marques, des événements mettant en valeur de petits producteurs, tout en ayant en parallèle un blog illustration, un blog BD parce que l’illustration reste sa passion première.
Après quelques années à Paris, elle décide, par ras-le-bol de la capitale, de venir s’installer à Amsterdam : sans job, sans partenaire.
Malgré la rudesse du climat et la difficulté à se créer un cercle amical, elle adore cette nouvelle vie !
Elle travaille pour de gros clients de la food, la vie suit son cours.
“l'aventure a commencé en 2018, quand j'ai lu « Ainsi soit-elle » de Benoîte Groult”
Jusqu’au jour où elle tombe complètement par hasard sur le livre “Ainsi soit-elle” de Benoîte Groult dans une boîte à livre à Amsterdam.
Ce livre, qui date de 1975, lui fait prendre conscience du peu d’évolution dans la situation des femmes à cause du sexisme.
“Et en fait, tout ce qu'elle a dit, je me disais, mais merde, en fait, c'est encore comme ça. Et puis j'ai réalisé des trucs. Je me dis, mais oui, en fait, elle décrit le sexisme. Elle décrit comment il est ancré dans notre société depuis tellement longtemps. Enfin, il y a une partie historique. Puis après, elle décrit un peu dans tous les aspects de notre vie de femme, comment le sexisme est implanté. Et je n'avais pas du tout conscience de ça.”
“j'ai découvert ce qu'était vraiment le féminisme”
“j'ai découvert ce qu'était vraiment le féminisme, parce que jusqu'à présent, j'avais beaucoup d'a priori, je pensais que c'était quelque chose d'un peu extrême. tout en étant en accord avec les idées en fait, mais je ne savais pas vraiment ce que c'était. “
Cette lecture coïncide avec Inktober, un challenge d’un mois durant lequel on dessine chaque jour à partir d’un prompt différent.
Elle décide de lier chaque dessin à un sujet féministe avec une charte couleur bien identifée. Le résultat ? Un ensemble cohérent, sur le fond et sur la forme, d’une trentaine de dessins et des textes de plus en plus longs pour accompagner les dessins. Tout ça se passe sur Instagram.
On lui dit qu’il faudrait en faire quelque chose…
On lui dit qu’il faudrait en faire un livre…
Elle se lance et publie son livre en auto-édition.
Et puis…
“Et puis, en fait, après, je me suis dit, non, il faut que ça existe, en fait, il faut que ça existe dans le monde plus que ça, parce que j'y croyais vraiment. Et en fait, je me suis mise à la recherche d'un éditeur.“
“il faut que ça existe dans le monde”
Casterman décide d’éditer l’ouvrage à condition que cela soit une BD.
“Et moi, j'avais toujours rêvé de faire de la BD, en fait, donc j'ai dit, ben, allez, on y va. Et voilà, c'est comme ça que Feminist In Progress est né.”
La naissance de sa fille, la publication de son livre.
Et la reprise du travail. Plus rien n’a de sens.
“ j'ai vraiment l'impression de travailler dans le vent alors que là, j'avais un bébé. que j'ai allaité avec des conséquences hyper concrètes de mes actions et la BD également. D'un coup, ça devenait hyper clair et j'agissais pour ramener quelque chose de bien dans le monde, à mon point de vue en tout cas.
“et donc mon travail n'avait vraiment plus aucun sens et en fait j'ai fait un burn-out”
Lauraine ne retourne pas au travail.
“Ça faisait partie de mon plan de me lancer en free, en tant qu'autrice, mais aussi de bosser directement avec les boîtes de prod pour être vraiment dans le vrai, dans le concret. dans les gens qui font, pas les gens qui imaginent des concepts, mais vraiment dans les gens qui fabriquent les images. Donc, je voulais faire ça et en fait, ça n'a pas du tout marché. Il ne s'est rien passé à ce niveau-là. Donc, en fait, après, j'ai eu d'autres projets de bouquins.”
Suivrons 2 autres livres : “Moi, j’aurais pas fait comme ça” avec Chloé Genovesi Fluitman (dont tu peux retrouver l’épisode ici) et Mecs in progress, une BD fiction qui sort prochainement.
Et d’autres projets en cours ou des rêves, comme être invitée au festival de BD d’Angoulème.
“autrice BD et militante”
Aujourd’hui, Lauraine se considère comme :
“autrice BD et comme militante, du coup, parce que c'est vrai que ce que je fais, c'est quand même assez engagé et que j'ai besoin qu'il y ait du sens. Je trouve qu'il y en a besoin, en fait.
C'est plutôt de quoi on a besoin aujourd'hui. Ça peut paraître un peu prétentieux, de dire je vais faire des choses dont on a besoin, enfin je vais produire des ouvrages qui manquent. Mais c'est quand même mon idée, enfin c'est très naïf en fait.”
Certes “la passion est plus grande que la peur” mais la vie d’autrice BD est une vie d’artiste avec des revenus incertains et irréguliers.
Vivre de sa passion :
“Ça a un prix quand même. Le prix de ne pas pouvoir partir en vacances quand tu veux, là où tu veux. Le prix de ne pas pouvoir faire garder ton enfant autant que tu voudrais, pourrais. De ne pas pouvoir te loger correctement des fois. Ça dépend comment tu es entouré. Je trouve qu'on fait trop dans le milieu artistique.
On dit trop souvent, c'est OK, vous vivez de votre passion, vous êtes trop contentes de faire ce que vous faites tous les jours. Donc, en fait, on élude la question de l'argent. Et je ne suis pas du tout d'accord avec ça.”
Mais c’est aussi :
“C'est que déjà je suis hyper contente d'aller au travail tous les jours, contrairement à la majorité des gens que je connais.
J'ai des conditions de travail qui sont hyper chouettes, parce que c'est moi qui décide, et que je bosse avec des gens que j'apprécie vraiment bien. Et puis que c'est que des sujets qui me passionnent aussi, donc en fait, je suis contente.”
Voilà comment la lecture d’un ouvrage au fondement du féminisme trouvé par hasard a complètement transformé la carrière et la vie de Lauraine Meyer !
Dans cet épisode, on parle beaucoup de féminisme, de carrière d’artiste, du sens de son activité et d’incertitude.
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Pour retouver Lauraine Meyer :
Instagram : @laurainemeyer
Portfolio direction artistique : https://meyerlauraine.myportfolio.com/work
Portfolio illustration : https://lauraineillustrations.myportfolio.com/
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